KATUMBI RAPATRIE UNE AFFAIRE JUDICIAIRE FACE A BEVERAGGI

Pendant que l’on s’en met encore plein les yeux sur la marée humaine qui a accueilli Moïse Katumbi ce lundi 20 mai à Lubumbashi, « La Lettre du Continent », publication bien introduite dans le monde « undergroundesque » de la politique occidentale et ses influences affairistes à travers le monde, révèle un autre pan de ce retour qui mérite bien un coup d’arrêt. De retour de l’Europe via l’Afrique du Sud, en effet, l’ancien patron de la riche province cuprifère du Katanga n’était pas seul à bord du jet qui le transportait, loin s’en faut.

Il était accompagné, certes, de ses collaborateurs directs qui sont bien connus, mais pas qu’eux. Le président du prestigieux club de football, le TP Mazembe, avait bien plus d’étrangers à bord que ses compatriotes. Au nombre de ces étrangers, Kenneth MacLeod, ancien patron de Nikanor qui opérait dans les gisements cuprifères de Kamoto avant de fusionner, en 2009, avec Katanga Mining, alors filiale de Glencore.

Kenneth MacLeod s’est ensuite associé à Katumbi dans Mining Company of Katanga (MCK), spécialisée dans les services logistiques et le génie civil pour le secteur minier en RDC. En 2015, soit avant son départ en exil, Katumbi décide de vendre MCK. Et c’est à partir de là que commence une saga d’affaires à dormir debout.

 

Une affaire de « deals » et de « combines » à dormir debout

Pour vendre MCK, en effet, Katumbi place 100% de sa valeur au sein de la firme mauricienne Nécotrans Mining. Comme on va le voir un peu plus loin,, Nécotrans Mining passera sous contrôle de la société française Nécotrans Holding qui nomme un comité de gestion présidé par Pascal Beveraggi. Plus tard, Nécotrans Holding va conclure une cession de 85% de ses actions (celles de Nécotrans Mining en ce compris MCK) à la firme Octavia du français Pascal Beveraggi.

C’est là que dégénère l’affaire. Les deux parties, Katumbi d’une part, et Nécotrans Holding et Beveraggi de l’autre, vont aller en justice. En mai 2018, la cour d’appel de Paris rend deux arrêts annulant la cession, par Nécotrans Holding, des actions de Nécotrans Mining (en ce compris MCK) au profit de la firme Octavia. De ce fait, Moïse Katumbi, à travers son épouse et sa firme Astalia Investment Ltd, devrait redevenir actionnaire de Nécotrans Mining. En d’autres termes, Katumbi doit reprendre le contrôle de l’ex-Mining Company of Katanga qui était sa société. Katumbi se plaignait, en effet, de n’avoir perçu que 20 millions Usd sur les 180 millions prévus à la vente de MCK dont le contrat stipulait que les actions de la société Nécotrans Mining, détenues depuis par Nécotrans Holding, seraient inaliénables tant que le prix de cession ne serait pas intégralement payé.

 

Comment Katumbi avait siphonné MCK avant sa vente

Mais les choses ne devraient pas s’arrêter là. Les juristes se demandent à quel titre Astalia Investment Ltd est intervenue dans la transaction de MCK pour s’en prévaloir des droits, au point que Katumbi nourrisse de nouvelles prétentions d’affaires sur cette dernière. Les jours qui viennent vont nous en dire plus.

Mais en attendant, l’on apprend qu’en fait d’acquisition des actions de Nécotrans Mining par la firme « Octavia » de Beveraggi, celle-ci (Octavia) les avait plutôt rachetées suite à une décision du tribunal de commerce de Paris qui avait ordonné la vente des actions de Nécotrans Mining qui se trouvait en redressement fiscal après avoir subitement déclaré faillite en 2017. Par la suite, installé depuis longtemps au Katanga avec sa firme « Octavia », Pascal Beveraggi y a renforcé son ancrage avec NB Mining qui n’est autre que la nouvelle dénomination de MCK. Depuis, le français multiplie des actions de charme auprès des populations locales avec plus de 2.000 emplois qu’il entretien, sans compter les 400 autres qu’il voudrait créer.

 

Des cadavres dans les placards de MCK

Cette vie n’est, cependant, pas un long fleuve tranquille, car Beveraggi en aura vu des vertes et des pas mures. A titre indicatif, on rapporte, par exemple, que la semaine avant la transaction sur Nécotrans Mining, la trésorerie de MCK avait été délestée de Usd 10 millions. Et la semaine ayant suivi la vente, l’acquéreur (qui est désormais Nécrotrans Holding après la faillite déclarée de Nécotrans Mining – propriétaire officiel de MCK) voit venir des fournisseurs de MCK qui lui réclament d’anciens passifs de près de Usd 30 millions.

Voulant tirer l’affaire au clair, Pascal Beveraggi, alors Président de Nécotrans Mining, va découvrir que sur les 10 millions Usd volatilisés de la trésorerie de MCK, 3 millions vont être retracés via le vendeur Katumbi, 3 autres millions via Nécotrans Mining, tandis que les 4 millions restants vont demeurer introuvables jusqu’à ce jour.

Mais les découvertes de Beveraggi ne s’arrêtent pas là. Il constate, en effet, qu’entre l’accord pro-forma (accord de prévente) d’août 2015 et la signature de la cession de MCK à Nécotrans Mining en novembre 2015, Moïse Katumbi avait fait annuler anticipativement, soit en octobre de la même année, un contrat minier représentant 30% du chiffre d’affaires. Les analystes expliquent que malgré cette perte de résultat et les ponctions de trésorerie non déclarées, le prix de vente de MCK fut maintenu à Usd 140 millions, tandis que plus tard après la transaction, l’acquéreur de MCK verra disparaître, comme par enchantement, plusieurs clients historiques de l’entreprise.

 

Katumbi rapatrie une scabreuse affaire judiciaire

Bref, Moïse Katumbi devrait pouvoir retrouver un adversaire judiciaire qui, logiquement, se trouve en position de lui demander des comptes en attendant de clarifier le sort du reliquat de la transaction sur Nécotrans Mining qui a fait emporter MCK. Le paiement des Usd 140 millions devait, en effet, être échelonnés sur trois ans, soit de 2015 à 2018, mais biens d’événements se sont produits qui méritent bien une clarification, pendant que Beveraggi s’estime en droit de jouir de son acquisition.

Moïse Katumbi rapatrie ainsi de nouvelles affaires judiciaires au Katanga aux contours labyrinthiques et sur lesquelles il va devoir en découdre sérieusement avec Beveraggi. Celui-ci, dit-on, aurait déjà pris sérieusement des marques dans les sphères politiques congolaises, pour se mettre à l’abri de toute influence. L’homme, indique-t-on, avait été l’un des invités à l’investiture de Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi. Il avait, à ses côtés, un de ses fidèles collaborateurs, Jean Philippe Gouyet. Ancien vice-président Afrique d’Airbus Group, Jean-Philippe Gouyet était officiellement directeur général de Nécotrans Mining à son acquisition. L’on dit de lui que c’est également un ancien de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) en France où il aurait gardé quelques entrées.

Bref, le genre de relations qui, sous les tropiques et malgré les déclarations d’intentions, ne manquent jamais d’avoir quelqu’influence…

De plus, Pascal Beveraggi vient d’acquérir le club lushois FC Lupopo, rival séculaire de Mazembe. Il entend hisser cette équipe au diapason de la grande modernité avec un budget plus accru et la reconstruction de son stade de football. Au passage, dans ses déclarations lors de sa campagne pour prendre la direction de Lupopo, Beveraggi avait laissé entendre que Moïse Katumbi lui doit encore de l’argent sur la livraison des équipements des gradins du stade de Kamalondo.

Jonas Eugène Kota

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